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09.07.24

DRM et protection du catalogue : l’expertise IDOL

Le Digital Rights Management est essentiel pour protéger les œuvres artistiques sur les plateformes audio et vidéo. Romain Bollini, Digital Rights Manager chez IDOL, explique les enjeux de son métier et livre ses succès.

Le travail de Digital Rights Management est un service essentiel pour nos labels : il permet de protéger juridiquement une œuvre artistique sur les plateformes audio et vidéo. Romain Bollini, Digital Rights Manager chez IDOL, raconte son métier, alerte face à la recrudescence du piratage et livre quelques chiffres clés. Avant son arrivée, ses tâches étaient partagées entre deux services : l’équipe Digital Content Operations et l’équipe Audience Development. Depuis deux ans maintenant, Romain Bollini a fait évoluer son poste avec des résultats plus que probants.

Lors d’un précédent article, Romain avait expliqué comment il avait notamment réussi à doubler les revenus YouTube du label Sun Records, en résolvant les conflits. Dans ce nouvel article, il rentre dans les détails de son quotidien, avec les enjeux actuels et les spécificités par plateforme.
 

Les missions principales d’un Digital Rights Manager

Le Rights Manager a trois missions principales. La première consiste à protéger le catalogue, à l’aide des outils fournis par les plateformes. Parmi les menaces on retrouve notamment les conflits de propriété (lorsque des distributeurs tiers ont livré le même – ou presque – enregistrement sonore), les réclamations par un tiers, et les arnaques, qui sont de plus en plus nombreuses !

La deuxième mission est d’assurer la disponibilité du catalogue IDOL sur tous les DSP. Par exemple, lorsqu’une plateforme de streaming reçoit une plainte pour violation du droit d’auteur, la plateforme va bloquer le contenu concerné, et le morceau ou la référence ne sera plus disponible. Ce qui nous mène à la troisième mission, qui est de s’assurer que le catalogue est bien monétisé, et que les détenteurs de droits reçoivent les revenus générés par leur catalogue.

« Dans le cadre de mon travail, j’échange avec d’autres distributeurs, des labels et des plateformes. J’établis des relations durables avec d’autres distributeurs, afin de résoudre les conflits plus rapidement. De même, mes contacts réguliers avec les plateformes vont m’aider à connaître tous les processus, afin de mieux analyser la situation et de fournir la solution la plus adéquate, » explique Romain Bollini.

Un exemple d’arnaque

« Pour notre partenaire Rapelite, nous gérions les droits d’une vidéo d’un freestyle exclusif par le rappeur Zola, qui a atteint plus de 25 millions de vues sur YouTube. Un jour, je reçois une notification indiquant que la vidéo a été revendiquée par une personne tierce. Je vérifie les métadonnées, et je m’aperçois que le nom de l’artiste n’est pas le bon et donc qu’il s’agit d’une fausse revendication. J’ai découvert qu’un pirate avait téléchargé le son de la vidéo et l’avait distribué via un autre distributeur afin de le monétiser. Mais j’ai réagi très rapidement, et nous n’avons perdu aucun centime sur ce scam, » raconte Romain Bollini.

Techniques de DRM : fingerprint ou audio ?

Dans le domaine de la gestion des droits, il existe deux types de plateformes. Les plateformes fingerprint disposent d’une technologie de reconnaissance audio, et monétisent les contenus publiés par les utilisateurs lambdas sur des plateformes comme YouTube, META, Soundcloud. Et les plateformes audio ou DSPs, donc les plateformes de streaming classique: Spotify, Deezer, Apple, etc.

Les plateformes fingerprint

« YouTube représente 60 à 70% de mon travail quotidien, » indique Romain Bollini. « Leur outil de gestion est le plus avancé grâce à la technologie Content ID, et à leur plateforme dédiée à la gestion des droits. » En termes de revenus, YouTube représente, la deuxième plateforme pour IDOL.

L’action principale – car elle a le plus de valeur pour les labels -, c’est la résolution proactive des conflits, qui permet de générer des revenus. Le conflit de propriété survient lorsque deux distributeurs (ou plus) ont livré le même (ou presque) enregistrement sonore. Ce qui signifie que les revenus vont être bloqués jusqu’à ce qu’un (ou plusieurs) distributeur retire leur propriété des territoires concernés.

Sur les plateformes fingerprint, la politique de revendication par défaut d’IDOL est de monétiser les contenus UGC (User Generated Content) automatiquement. Mais, en fonction de la stratégie adoptée par le label, nous pouvons décider de bloquer certains contenus tiers, afin de rediriger les utilisateurs vers les vidéos officielles.

Vient ensuite la question des contestations : c’est lorsqu’un utilisateur se sert de la musique IDOL pour son contenu vidéo et décide, malgré notre revendication, de maintenir la monétisation. Avant toute chose, il nous faut vérifier auprès du label si l’utilisateur est autorisé à conserver cet argent. « La méconnaissance générale des utilisateurs au regard des droits d’auteurs cause de nombreuses contestations inutiles et dont il faut tout de même prendre action, » précise Romain Bollini.

La dernière action clé est la gestion du droit d’autorisation pour le label. C’est le fameux « whitelisting », ce qui signifie que l’on autorise un tiers à monétiser pour lui-même un contenu qui inclut une musique ou un visuel protégé que nous distribuons. Cela arrive dans le cas, par exemple, d’une interview d’artiste par un festival qui souhaiterait utiliser la musique d’IDOL dans le teaser.

Les plateformes audio

Sur les plateformes audio, les actions sont différentes parce que chaque DSP interagit différemment avec ses utilisateurs et fournit des outils différents aux Digital Rights Managers. Il n’y a pas de consensus sur la gestion des droits, chaque plateforme a son propre processus.

L’une des missions principales consiste à protéger le catalogue contre les réclamations pour violation des droits d’auteur émises par des tiers: “les claims entrants”. Dans le cas où nos droits sont confirmés, IDOL doit alors traiter directement avec l’autre partie afin de rétablir ou maintenir la référence conflictuelle en ligne. Les DSPs n’interviennent jamais dans un litige entre deux entités.

Le problème ici c’est que n’importe qui peut remplir un formulaire de réclamation pour violation des droits d’auteur, car ces formulaires sont en accès libre, ce qui donne lieu à de nombreuses fausses réclamations. « C’est une véritable jungle à laquelle nous devons faire face, » prévient Romain Bollini.

L’action parallèle est d’envoyer des réclamations pour violation de droits d’auteur sur des références livrées sans autorisation par un tiers : “les claims sortants”. Les labels peuvent faire remonter directement ce genre de problématique au Digital Rights Manager. Les outils fournis par les plateformes de fingerprint contribuent également à détecter ces soucis. Romain Bollini donne plus d’explications : « Mon objectif est de détecter les problèmes entre plateformes, et heureusement, il existe une certaine synergie entre les DSP. En général, c’est le Content ID de YouTube qui nous permet de détecter un conflit sur YouTube, et par la suite de constater qu’un distributeur tiers a fourni un doublon ou une référence illégale sur les autres plateformes de streaming. »

Particularités du secteur des jeux vidéo

La communauté des joueurs étant sacrée, YouTube a adapté ses règles au regard de la livraison et gestion des musiques issues de bandes originales de jeux vidéo en conséquence.

Par exemple, il n’est pas possible de monétiser ou de revendiquer du contenu automatiquement, tout doit être fait manuellement. Il n’est pas possible de monétiser une vidéo gameplay (où l’on voit le joueur commenter une partie de jeu vidéo) réalisée par un gamer sur YouTube, nous ne pouvons monétiser que les vidéos qui contiennent exclusivement de la musique.

La musique de jeux vidéo est particulièrement ciblée par les duplicatas et les remixes. Beaucoup de ces contenus ne sont pas autorisés, et il faut absolument les retirer parce qu’il peut concurrencer les enregistrements officiels.

Chiffres clés

En un an, notre Digital Rights Manager a réglé plus de 400 conflits sur YouTube, et de nombreux strikes, qui sont l’équivalent YouTube des plaintes pour violation des droits d’auteur. « Lorsque nous recevons un strike sur une vidéo, celle-ci est supprimée et la chaîne reçoit une notification. Après trois notifications, YouTube peut fermer la chaîne, c’est pourquoi il nous faut agir rapidement. »

En un an, IDOL a envoyé 74 réclamations pour protéger le catalogue, et reçu plus du double sur les plateformes audio, soit environ une réclamation tous les deux jours. Pour faire face à cette charge de travail, il est essentiel d’établir des priorités. Il faut donc estimer les pertes si la référence est bloquée, en vérifiant les revenus générés sur l’année précédente. Rien que cette année, Romain a réussi à faire économiser des dizaines de milliers de dollars à nos labels en gérant les réclamations entrantes.

Retour d’expérience et challenges

Romain Bollini conclut que la gestion des droits reste dépendante des outils fournis par les DSP. En effet, si YouTube fournit beaucoup de données, les autres plateformes n’ont pas encore poussé le développement de leurs outils. « Le rôle du Digital Rights Manager va potentiellement s’intensifier avec le recrudescence de l’IA. »

Le Digital Rights Manager a aussi remarqué l’émergence de nouvelles entreprises spécialisées dans la gestion des droits dans l’industrie musicale, ce qui prouve l’attrait et l’intérêt croissants pour ce secteur. « Mais le public est de plus en plus informé sur le fonctionnement des plateformes de streaming et les arnaques sont de plus en plus élaborées, nous devons donc continuer à être vigilants. »

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