
Le pouvoir des métadonnées – Les fondamentaux
Dans l’ère du streaming, les métadonnées sont devenues le socle invisible mais essentiel de l’industrie musicale. Bien plus que de simples informations techniques, elles assurent l’identification, la classification et la valorisation de chaque morceau, permettant aux artistes d’être découverts, aux ayants droit d’être rémunérés, et aux plateformes de proposer une expérience personnalisée à leurs utilisateurs.
Pourtant, leur gestion reste un défi quotidien, nécessitant rigueur et expertise pour garantir la visibilité et la traçabilité des œuvres au sein d’un océan de contenus numériques. Pour comprendre les enjeux et les bonnes pratiques autour des métadonnées, nous avons rencontré Thomas Pihan, Head of Digital Content Operations et Orancie Bureau, Digital Content Operations Manager, spécialistes du sujet chez IDOL, qui nous éclairent sur ce levier des plus stratégiques.
Pouvez-vous nous rappeler ce que sont les métadonnées ?
Thomas : Dans la musique, les métadonnées, c’est l’ensemble des informations relatives à un fichier audio. Elles incluent le nom de l’artiste, le producteur, l’auteur, le titre du morceau, mais aussi des données plus techniques comme un ISRC (International Standard Recording Code) ou un ISWC (International Standard Musical Work Code) qui sont comme des codes barres de l’œuvre.
Ces métadonnées sont essentielles pour identifier, classer, référencer et distribuer le contenu audio sur les plateformes de streaming. Plus elles sont complètes et précises, plus la collecte et la répartition des redevances sont facilitées, améliorant ainsi le référencement de la musique mais aussi l’expérience utilisateur.
Pouvez-vous décrire le rôle de votre équipe dans le traitement des métadonnées ?
Orancie : L’équipe Digital Content Operations gère la réception et le traitement de ce que nous appelons les produits, c’est-à-dire EP, albums, singles ou vidéos. Nous sommes les premiers à recevoir les métadonnées de la part des labels. Notre rôle est d’accompagner chaque client dans l’optimisation de ces métadonnées, en veillant à enrichir au maximum les produits.
Thomas : Notre métier a trois dimensions. Tout d’abord, le contrôle qualité pour s’assurer que le contenu est bien charté selon les règles des plateformes, qui ont chacune des règles bien précises. Ensuite, la formation auprès du label afin de leur faire gagner du temps et qu’il saisisse l’intérêt d’avoir des métadonnées complètes. Enfin, l’enrichissement du catalogue existant, notamment lors de l’acquisition de vieux catalogues, afin d’inclure des métadonnées qui suivent les évolutions et les exigences des plateformes.
Quelles métadonnées sont prioritaires dans vos livraisons aux plateformes ?
Thomas : Chaque plateforme a des exigences de qualité et de métadonnées qui lui sont propres, ce qui signifie que les champs à remplir varient d’une plateforme à l’autre. Certains champs sont obligatoires, notamment les codes ISRC et d’autres informations techniques essentielles. Cependant, pour optimiser la découvrabilité, les noms d’artistes, et donc pas uniquement les artistes principaux mais également les featurings ou les remixeurs, sont primordiaux.
Dans la mesure du possible, il est également recommandé de fournir les identifiants artistes, l’ID artiste correspondant à une page artiste sur les plateformes. Bien que toutes les plateformes ne le prennent pas en charge, fournir ces ID garantit à 100 % que le contenu sera associé à la bonne page artiste, évitant ainsi les problèmes d’homonymie. On est souvent confronté à ce problème, comme par exemple, récemment avec Claude, chez microqlima. Néanmoins, ces champs liés aux ID artistes ne sont pas obligatoires.
Orancie : De même, les informations concernant les artistes secondaires sont prioritaires pour assurer une bonne découvrabilité et disponibilité de la référence, mais pas obligatoires pour autant.
Thomas : La disponibilité d’un produit implique que le contenu soit bien en ligne sur les plateformes et relié aux bonnes pages. Si l’on envoie par exemple, un mauvais genre ou trop de singles avant un album, cela peut entrer en contradiction avec les règles des plateformes, qui pourraient alors refuser de mettre le produit en ligne. D’où l’importance d’être extrêmement rigoureux sur ces métadonnées.
Quelles sont selon vous les métadonnées essentielles à une bonne découvrabilité ?
Thomas : L’importance des genres et sous-genres n’est plus à démontrer. Nos collègues de l’équipe DSP Editorial & Partnership, quand ils pitchent un titre à une plateforme, doivent être en mesure de savoir auprès de quel édito le soumettre. On peut manquer des opportunités de placement en playlists tout simplement parce que le son aura été présenté à la mauvaise oreille en quelque sorte.
Orancie : Dans les crédits non obligatoires, on peut mentionner les crédits instruments et les crédits techniques, ou encore les paroles. Nous encourageons les labels à les renseigner et nous nous efforçons de les intégrer systématiquement au produit, car ils sont très importants pour le référencement.
Thomas : Chez IDOL, on imagine que plus le catalogue est propre, bien organisé, soigné et complet, il sera valorisé par les plateformes, mais cela reste une supposition. Cependant, Apple Music, par exemple, exige de détailler les rôles de chaque artiste pour pouvoir l’afficher sur son store, contrairement à d’autres plateformes, qui vont poser moins de contraintes.
Il est difficile de confirmer l’impact direct de ces informations sur les résultats de recherche. On sait simplement ce qui améliore l’expérience utilisateur. Il n’existe pas de « recette magique » universelle ; si un algorithme était connu de tous, il perdrait de son efficacité. Nous nous efforçons d’optimiser nos données pour maximiser les chances de succès, bien qu’il n’y ait aucune garantie de résultat.
Orancie : A noter aussi que certaines plateformes sont spécialisées, comme Beatport par exemple, tandis que d’autres comme Spotify ou Deezer pour ne citer qu’elles, sont plus généralistes, ce qui va avoir une influence sur la diffusion des œuvres.
Comment IDOL s’assure que les métadonnées obligratoire (ISRC, IPI, etc.) sont bien renseignées à la source ?
Thomas : IDOL n’est pas propriétaire des métadonnées, nous nous contentons de les distribuer. Ce sont donc les labels qui nous les fournissent. Pour garantir que les métadonnées répondent aux exigences des plateformes, nous avons rendu certaines informations obligatoires avant la livraison : sans elles, l’album, l’EP ou le single ne pourra pas être envoyé sur les plateformes. De plus, un contrôle qualité est effectué par l’équipe Digital Content Operations pour assurer l’optimisation des métadonnées.
Orancie : Nous travaillons en direct avec les labels. Et donc nous faisons en fonction de la taille de la structure, et du personnel disponible pour fournir les informations nécessaires.
Thomas : Quand ils ont de nouvelles références, les labels importent directement les informations dans notre outil de distribution Labelcamp. De notre côté, nous vérifions leur conformité au sein même du flux de soumission. Grâce aux commentaires intégrés dans l’application, nous pouvons échanger directement avec les labels sans avoir recours à des outils externes. Si les métadonnées sont complètes, une simple validation suffit. Dans le cas contraire, nous collaborons avec eux pour compléter et optimiser les informations, de manière fluide et centralisée.
Orancie : Les labels bénéficient d’une grande autonomie sur Labelcamp, y compris pour les « switchs » – quand un label décide de quitter un concurrent pour nous rejoindre. Pour les catalogues importants, nous définissons un rythme de validation afin de gérer efficacement les importations massives. L’ensemble de ce suivi passe par Labelcamp, ce qui facilite la communication et accélère le processus. Notre rôle consiste à les former à l’utilisation de la solution et à les accompagner dans ce flux totalement intégré, bien plus simple et surtout centralisé que les systèmes de ticketing génériques.
Conclusion
Les métadonnées jouent donc un rôle bien plus stratégique qu’il n’y paraît : elles conditionnent la disponibilité, la visibilité et la valorisation de la musique à l’ère numérique. Malgré leur complexité, un travail rigoureux et collaboratif entre labels et distributeurs permet d’en tirer le meilleur parti au service des artistes et des ayants droit. Rendez-vous dans notre deuxième volet, dans lequel nous explorerons les enjeux pratiques et le pouvoir des métadonnées dans la réussite des projets musicaux.
Pour aller plus loin
La SPPF a invité Pascal Bittard, fondateur d’IDOL, pour parler de l’importance de la data dans le développement d’artistes.
Les data sont devenus centrales dans la prise de décision pour le développement de projets artistiques. Mais qu’ont-elles réellement changé ? Comment bien les analyser ? Quelles opportunités apportent-elles aux labels ? Quels sont les risques ? Pascal Bittard répond.