Featured
28.04.23

Pan European Recording :
À la pointe de l’innovation avec des clips en IA

Pan European Recording est un des tout premiers labels à avoir sorti un clip vidéo entièrement réalisé à l’aide de l’intelligence artificielle. Rencontre avec Maud Aulagnon, cheffe de projet image, qui raconte la vision du label.

En janvier, Pan European Recording sortait l’un des tout premiers clips entièrement réalisé à partir d’intelligence artificielle : ‘Waterfalls Views’ de Koudlam. Maud Aulagnon, cheffe de projet image, raconte comment le réalisateur Jamie Harley a procédé, mais surtout cette recherche d’innovation autant vidéo que musicale qui prime au sein du label.

Depuis ses débuts, le label s’est montré pionnier en matière de réalisation de clips. Avec toujours un temps d’avance, Pan European Recording a proposé des clips réalisés à l’aide de drone, explorant les jeux vidéos, créant des metavers, en 360° ou en meta-cinéma. Maud Aulagnon décrit ces aventures vidéo qu’elle gère au quotidien, pour être au plus près des envies des artistes, et leur permettre aux artistes de révéler leur univers créatif.

Comment est venue l’idée de faire un clip à l’aide de l’intelligence artificielle ?

Depuis plus d’une dizaine d’années, nous travaillons avec Jamie Harley, un réalisateur-monteur couteau suisse et ami, particulièrement à l’affût de nouvelles techniques. Tout le mois de décembre, il a préparé un clip, sans vraiment nous prévenir. L’année commençait à peine qu’il nous proposait un rendez-vous : il était impatient de nous présenter un clip en IA sur le morceau ‘Waterfalls Views’ de Koudlam. Il l’a réalisé à partir de Stable Diffusion, un modèle d’apprentissage qui permet, avec des prompts, de produire des images plutôt réalistes. Comme thème, il a choisi les manifestations à Hong Kong et l’usage écœurant des armes en général, et ça nous a scotché.

Au-delà de la vidéo, Jamie Harley est aussi un passionné de musique, toujours un peu en avance sur son temps. Il y a quelques années, il faisait des playlists d’amapiano avant que tout le monde s’y mette. Il insuffle pas mal de choses au label : presque chaque artiste de Pan European a au moins un clip sur lequel Jamie a bossé, que ce soit à la réalisation, au montage ou autre. Et on en produit beaucoup !

Quel est le budget à envisager pour la réalisation d’un tel clip ?

Jamie l’a créé pendant les vacances de Noël pour pouvoir prendre son temps. Il voulait tester ce modèle d’apprentissage, et se tester lui-même par la même occasion, il s’agissait plus d’un premier exercice. Nous n’avions pas budgété ce clip avant de le découvrir donc je peux difficilement donner une réponse ici. En revanche, il a travaillé jour et nuit pendant 20 jours ! Il devait travailler en décalé, sur différents fuseaux horaires, pour pouvoir échanger avec des techniciens, des graphistes, des développeurs du monde entier. Il y a passé beaucoup de temps, donc sur un tarif horaire, ça peut commencer à chiffrer. A cela s’ajoutent la location de serveurs, et des frais de pré-production et de documentation.

C’est ce que nous avons fait sur le clip ‘Berzingue’ de Flavien Berger, sorti le 19 avril. Nous avons eu davantage de temps de préparation, de discussion, ce qui nous a permis d’établir un budget et un plan de financement pour le présenter en commission d’aide SCPP.

Néanmoins, et même si le rendu est pour le moment très différent, c’est sûr que ça coûte moins cher que de louer un décor, des caméras, employer une équipe technique pour un tournage, une équipe de post-production, une salle de montage, d’étalonnage etc.

“Pan European est un label d’image, car chez nous, l’image est aussi importante que la musique.”

D’où vient cette envie de prendre des risques en vidéo comme en musique ?

Chez Pan European, on signe plus des personnes que des styles de musique. Il y a un facteur humain très important. Tous nos artistes, quand ils arrivent, ont déjà développé une vision ou du moins des idées qui ne demandent qu’à être explorées. En cela, on peut dire que nous prenons des « risques » en les accompagnant coûte que coûte et en les aidant à faire exister leurs identités, que ce soit sur la musique ou l’image.

Certains artistes savent déjà avec quel réalisateur·rice ou artiste ils veulent travailler, comme Jonathan Fitoussi avec Sabrina Ratté, ou encore Flavien Berger avec Robin Lachenal ou Vimala Pons, et nous faisons tout pour que ça se produise. D’autres ont besoin davantage d’accompagnement dans leurs choix, chaque artiste à son propre process.

Pan European est un label d’image, car chez nous, l’image est aussi importante que la musique. C’est vraiment un élément mis au premier plan sur chacune de nos sorties. Tout n’est pas au même niveau de finitions, mais c’est important pour nous de sortir de belles choses qui nous correspondent.

C’est pour ça qu’en tant que cheffe de projet image, j’apporte beaucoup d’attention au choix des collaborateurs·rices : il faut trouver le profil le plus adapté à chaque artiste. On va privilégier les réalisateurs·rices ou les boîtes de prod qui connaissent et apprécient le label, ce qui apporte une certaine confiance. Et parfois, nous nous occupons nous-même de la prod.

Cette branche artistique du label est-elle essentielle au développement des artistes ?

Bien sûr, elle est très importante, car les photos, les pochettes, les clips sont des médiums de communication pour les artistes, comme un appui essentiel à la bonne diffusion de leur musique.

Pour la promotion et le marketing, il faut toujours produire beaucoup de contenus, d’assets. Donc nous essayons de produire des clips sur chacun des singles. Très souvent, les attaché·es de presse nous disent qu’ils peuvent difficilement travailler un single sans contenu visuel, surtout sur les projets en développement, donc on va chercher des solutions, parfois en low budget à l’aide du found footage.

Ce qui est malheureux c’est que les sources de revenus issues du clip sont quasi-inexistantes. C’est là que les labels et maisons de disques prennent des risques financiers, la vidéo va apporter de la visibilité au projet (public, médias, plateformes), et ça se répercute sur les ventes et les concerts, mais le gain n’est pas immédiat ou forcément visible.

Une petite source de retour sur investissement existe si le clip est sélectionné en TV ou plateforme, grâce aux droits de diffusion. On fournit le clip au format télé en respectant des specs spécifiques, à IDOL, qui va l’uploader sur des plateformes type IMD/Peach où les chaînes TV comme W9 ou MTV viennent se servir. Cela ouvre au versement de droits de diffusions gérés par les organismes de gestion (SCPP, SPPF).

Quels sont les clips les plus innovants que vous ayez sortis jusqu’à présent ?

Il y a eu la vidéo avec des séquences au drone sur ‘Benidorm Dream’ de Koudlam, réalisée par Jamie Harley en 2014, alors qu’on en était encore aux balbutiements de cette technologie. Quelque part, nous avons bénéficié du flou juridique qui planait à l’époque, sinon nous n’aurions jamais eu le droit de survoler la ville.

Plus récemment, nous avons sorti un clip créé en jeu vidéo : ‘Precipice Fantasy’ de Koudlam, réalisé par Morgan Navarro & Robin Kobrynski reproduisant l’avatar de Koudlam grâce à des outils génératifs comme Meta Human ou DAZ 3D. Et dès 2015, ces mêmes réalisateurs créaient le clip de ‘Transperu‘ inspiré du metavers Second Life.

Nous avons aussi publié un clip en VR (à 360°) pour ‘In Your Eyes’ de Maud Geffray feat. Flavien Berger réalisé par Pierre « Pyaré » Friquet et Stu Campbell en 2017. Pour vivre l’expérience optimale, il fallait des lunettes spécialisées mais personne n’en avait. En parallèle le clip a été joué en festivals, diffusé sur Mubi, puis les droits de diffusions ont été achetés par la plateforme HULU.

Sur un autre aspect, un des clips les plus originaux qu’on ait publié c’est en meta-cinéma, c’est un concept consistant à filmer et diffuser en même temps (en plan-séquence), dévoilant les mécanismes d’un tournage. En France, c’est une innovation technique propre à ces deux réalisateurs, Jeanne Frenkel et Cosme Castro. Flavien Berger a travaillé avec eux pour le clip de ‘Bleu Sous Marin’ issu de l’album Leviathan en 2015 et sur le film Adieu Bohème, à l’invitation de la 3eScène de l’Opéra de Paris en 2017. Récemment, ils ont réitéré l’expérience pour Arte, avec Jour de Gloire, un film autour des élections de 2022, où l’on découvre les réactions du public en direct.

Avec l’Intelligence Artificielle, il y a de nouvelles possibilités, des améliorations quasiment tous les jours. Il y a de nouvelles perspectives que je ne pourrais même pas concevoir, je pense qu’on va être étonnés dans les années à venir !

Lire plus d'articles