IDOL Insights: meet InFiné
Depuis 15 ans, au travers de Rone, Gaspar Claus ou encore Deena Abdelwahed, InFiné défend une musique électronique avant-gardiste. Le fondateur revient sur son parcours, ses valeurs, son goût pour l’innovation, et son partenariat avec IDOL. Au passage, Alexandre Cazac explique aussi le concept de musique durable qu’il défend à tous les niveaux.
Comment est né InFiné ?
Alexandre Cazac : Après plusieurs années dans la musique, avec une expérience en major, puis chez un gros indépendant, j’avais l’impression que certains projets n’étaient pas bien représentés ou défendus. Ce sentiment s’est intensifié, donc j’ai quitté PIAS. J’ai tout d’abord pris le management d’un artiste qui s’appelle Agoria. Ensuite le label britannique Warp m’a proposé d’ouvrir son bureau parisien. Et quand j’ai assisté à un concert de Francesco Tristano, un pianiste qui correspondait à tout ce que je cherchais chez un artiste, j’ai eu une forte envie de label. Cette idée a très vite enthousiasmé Yannick Matray, qui est toujours mon partenaire, et Alexandre Jaillon, qui depuis est devenu WeLoveArt.
Venant plutôt de la musique électronique, nous avons appris énormément de choses en produisant un pianiste… Ce qui fait qu’aujourd’hui nous avons gardé ce goût de l’innovation, et nous cherchons toujours à nous améliorer en matière de son. C’est dans notre ADN.
Quel effet ça fait de célébrer les 15 ans du label ?
Beaucoup d’émotions ! C’était un peu impensable à l’époque d’atteindre ne serait-ce que 10 ans. Après l’émotion, c’est beaucoup de fierté. Cet anniversaire permet de relever la tête du guidon, et de regarder le chemin parcouru. C’est beaucoup de travail accompli, mais c’est aussi énormément d’histoires. Je n’ai pas beaucoup de regrets, parce que nous avons pu préserver cette dynamique d’innovation, et de diversité… Je suis très fier, et aussi très fier des gens qui travaillent avec moi parce que c’est le résultat d’une équipe.
Nous avons toujours eu le souci de la diversité. Diversité dans les genres musicaux, dans les profils : nous couvrons presque tous les continents, toutes les sexualités. Plus qu’un genre musical, le fil conducteur a été l’exigence artistique. Je me suis toujours mis aussi à la place de nos auditeurs et même si j’adore la musique électronique, j’aime bien écouter d’autres styles. D’une certaine façon, nous continuons à construire notre discothèque idéale, pour l’enrichir petit à petit d’autres couleurs, et d’expériences différentes. InFiné correspond à mon avis au voyage d’un auditeur un peu curieux, qui a envie de sortir des sentiers battus.
Quels défis représente le développement d’artistes émergents sur la scène internationale ?
Nous sommes partis avec l’ambition d’être de bons artisans, mais des artisans internationaux. Ca vient aussi de mes expériences, car j’ai travaillé pour Warp, Ninja Tune, !K7, ANTI-… Et je peux dire aujourd’hui que c’est très compliqué d’être un producteur français : ce n’est pas un avantage sur le marché international. Néanmoins, c’est une chance historique d’avoir des acteurs français comme IDOL qui soient capables de diffuser la musique à l’international. Auparavant, dans le monde du physique, il n’y avait aucun acteur capable d’assurer cette diffusion.
Ça a été l’une des raisons, au-delà de l’envie de diversité, pour lesquelles nous avons signé des artistes non français. Car ils peuvent nous représenter – comme au Mexique, où InFiné a une certaine notoriété grâce à Murcof et Cubenx, des artistes mexicains. Ca fait partie de cette envie d’embrasser le monde, mais finalement c’est difficile d’avoir des ambitions internationales si on n’accueille pas nous-même le monde.
Quelle est votre plus belle conquête (artistique) ?
C’est d’avoir réalisé plus de 65 albums, et d’en avoir déjà 15 dans les tuyaux pour les années à venir. C’est d’être une plateforme qui accueille des projets parfois compliqués, mais divers.
Récemment, nous nous sommes réunis avec le festival Maintenant, le CentQuatre, et l’Ina GRM autour de KMRU. Il y a deux ans, lors d’une discussion avec le festival Maintenant, nous nous étions découvert un intérêt commun pour cet artiste kenyan. Ca a été un peu compliqué, mais au final nous avons accueilli KMRU l’été dernier : il est venu passer deux semaines à travailler sur les machines du GRM. Ensuite, il est allé à Rennes présenter son live au festival Maintenant, et il sera en concert au CentQuatre pour nos 15 ans. Ce qui est intéressant à mes yeux c’est qu’aujourd’hui InFiné ait la légitimité de réaliser ce type de projets.
Le label s’investit pour une musique durable, pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous concevons une musique durable dans tous ses sens du terme. Durable dans la stabilité de nos équipes, durable dans nos partenariats : nous travaillons avec IDOL depuis… En vrai, IDOL n’existait pas encore, que Pascal Bittard et moi avions déjà envie de travailler ensemble. On a depuis travaillé à différents degrés et on travaille toujours ensemble. C’est un des plus beaux exemples qui me vient.
Au niveau des équipes, nous restons en contact avec nos stagiaires, et parfois ils reviennent. Notre attachée de presse, notre label manager, ou notre international marketing manager à Berlin, sont tous d’anciens stagiaires. Avec les artistes, nous avons ce même lien de fidélité. Parce que pour nous, ce n’est pas que la réussite commerciale du premier album qui va décider de la faisabilité du suivant.
Enfin, durable dans le sens où aujourd’hui on peut réécouter le premier album InFiné, et il sera tout aussi audible, présentera tout autant d’intérêt qu’au jour de sa sortie. Et c’est assez vrai sur l’ensemble du catalogue, à des degrés bien entendu variables. Cette durabilité est le fruit de notre exigence envers nous-mêmes, envers les artistes, pour ne pas céder à certaines facilités.
Quels sont vos principaux atouts en tant que label indépendant ?
Notre principal atout c’est d’avoir un distributeur digital hors pair et international ! (rires) Plus sérieusement, notre principale qualité, c’est notre vivacité d’indépendant qui nous permet de réagir, et de nous adapter très vite. De même que la proximité que nous entretenons au sein de l’équipe et avec les artistes, fait partie de nos qualités : nous restons soudés.
Qu’est-ce qui vous lie à IDOL depuis toutes ces années ?
Avant la relation professionnelle, c’est une relation humaine. Pascal Bittard et moi, nous avons tous deux un sens aigu d’une certaine fidélité. Nous avons grandi ensemble, et je pense même pouvoir prétendre avoir challengé IDOL sur des questions internationales. Au final, ce qui compte, ce sont ces moments partagés, et pour moi, ça mérite beaucoup de respect.
Quand on fait de l’épicerie fine, du développement d’artistes totalement inconnus, l’essentiel c’est cette expérience accumulée. Et je suis fier de pouvoir mettre cette expérience au service de très jolis talents. Je ne vais pas me lancer dans un panégyrique d’IDOL, mais je pense que ce qui différencie notre relation, c’est cette humanité. Et IDOL et Pascal savent préserver ce type de relations.
Pensez-vous qu'il y a une force dans l'indépendance ?
Je suis un forcené d’indépendance. J’ai quitté mon emploi chez une major parce que je voyais des projets – qui parfois coûtaient des millions – mis à la poubelle parce que le titre ne rentrait pas en playlist sur NRJ ou parce que la FNAC ne voulait pas faire d’opération. Ca m’a d’abord surpris et ensuite un peu écoeuré. J’ai la prétention de croire que pour aller de l’avant, il faut être innovant. Et pour ça, il est nécessaire d’avoir une vraie indépendance : dépendre d’actionnaires m’empêcherait d’innover. En fait, l’indépendance, c’est l’assurance de notre liberté – avant tout artistique.
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