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12.04.22

IDOL Insights : meet toucan sounds

Chaque mois, IDOL met en lumière un label de son catalogue. Le label du mois est basé à Brooklyn, New-York. Interview du co-fondateur de toucan sounds, Robert Perlick-Molinari, alias Robert PM.

Au début des années 2010, Robert et son frère David ont parcouru le monde avec leur groupe d’electro-dance French Horn Rebellion. Après un premier single sélectionné par le célèbre label Kitsuné, ils sortent leur premier album The Infinite Music of French Horn Rebellion. Les frères décident ensuite de mettre leurs tournées de côté pour se concentrer sur la création d’un studio de musique à Brooklyn, YouTooCanWoo. Très actif au sein de la scène indie pop Brooklynoise, collaborant avec des labels comme Neon Gold (St. Lucia, The Knocks) et des groupes comme MS MR. En 2017, ils lancent le label toucan sounds.

Comment le label toucan sounds a-t-il été créé ?

L’activité du studio de musique YouTooCanWoo a toujours été divisée en deux parties : d’un côté, nous composons de la musique pour les pubs, les films et la télévision et de l’autre côté, nous faisons de la musique avec nos amis. Les portes du studio restent ouvertes : les musiciens passent en permanence pour faire de la musique, certains paient à l’heure, mais la plupart d’entre eux viennent pour collaborer avec moi, mon frère David, ma belle-sœur Deidre, ou l’équipe interne.

Avec le développement du studio, nous avons eu l’envie de créer un label qui ressemble à ce qui se passait à Brooklyn, dans le quartier de notre studio de musique. Nous avions pour ambition de devenir un lieu pour la communauté où les gens pouvaient venir, et se sentir libres sur le plan créatif. La musique créée dans nos murs est donc devenue une expression de l’emplacement géographique du studio.

Vous avez récemment procédé à un changement d’image. Pourquoi avez-vous ressenti le besoin de redéfinir votre label ?

Le studio a une clientèle très diverse : des punk rockers comme des consultants Apple, des gens différents avec des objectifs variés. Mais un grand label a besoin d’une curation très spécifique, c’est pourquoi toucan sounds a été créé en tant que division du studio. Nous avons réfléchi à ce que nous savions faire de mieux, et historiquement, French Horn Rebellion faisait partie de la scène indie dance nu-disco. Nous avons donc produit des morceaux avec Yuksek et Louis La Roche…

Nous avons ensuite commencé à sortir, à aller dans les clubs, à observer la scène et à écouter ce que les jeunes faisaient… C’est là que nous avons réalisé que l’indie dance nu-disco ne correspond absolument pas à ce qui se passe autour de nous !

Nous aurions pu rester dans notre zone de confort, mais ce n’est tout simplement pas ce qui se passe à Brooklyn. Nous avons donc commencé à travailler avec musclecars, qui a une résidence hebdomadaire au Nowadays, le club le plus cool de Brooklyn, et avec Haruka Salt, qui est DJ dans la ville depuis 15 ans. Et le résultat est tellement meilleur que la musique que nous faisions, que nous avons continué.

Quelles sont les valeurs que défend votre label ?

Le studio fonctionne probablement un peu différemment de la plupart des studios. Il est composé de membres de la famille : mon frère qui est le patron, David, et sa femme Deidre, son frère, et ensuite leur ami d’enfance… Nous n’essayons pas de trouver le prochain tube, ou de nous frayer un chemin jusqu’au sommet : nous essayons de créer une véritable communauté.

Nous sommes animés par l’amour, l’honnêteté, la curiosité. Ce sont les raisons pour lesquelles notre choix va se porter sur certains projets. Il faut se poser ces questions difficiles, même si la réponse ne plaît pas forcément, d’autant que c’est là qu’on réalise qu’il reste beaucoup de travail ! Mais il vaut mieux suivre la bonne route, que de continuer à poursuivre un succès à court terme.

La réalité est que, du point de vue du label, le but est de vendre des masters, mais la musique a toujours représenté bien plus que cela. Pour avoir un impact significatif, les morceaux doivent obtenir 100 millions de streams… On vise donc tous ces gains à court terme pour ce qui ne représente pas beaucoup d’argent au bout du compte. C’est pourquoi il faut réfléchir sur le long terme.

Quels sont les avantages à rester indépendant ?

Au studio, il y a un équilibre entre les projets culturellement pertinents et la musique pour la télévision, le cinéma ou les jeux vidéo. Ces projets financent le studio, pour qu’il puisse devenir un espace sûr pour créer de la musique. C’est un cycle.

Il y a dix ans, c’était punk de dire que les entreprises étaient pourries. Aujourd’hui, tout le monde essaie d’obtenir des licences, car c’est le seul moyen de soutenir la créativité. Ces projets corporate peuvent être difficiles… Par exemple, nous avons fait toute la musique d’un jeu vidéo « Just Cause 4 ». C’est un projet très cool, mais c’est aussi beaucoup de travail. Au final, ça nous sert à maintenir un équilibre sain.

Depuis deux ans, tout se passe bien, et il semble que nous soyons sur une très bonne trajectoire. Nous avons ce nouveau studio, nous prévoyons d’organiser régulièrement des événements pour rassembler la communauté. La musique n’est qu’une partie d’un tout qui nous dépasse. La communauté est plus importante à nos yeux que le style de musique que nous faisons : il s’agit plutôt d’encourager les gens et de les aider à s’épanouir.

Qu’est-ce qui vous différencie aujourd’hui de certains labels similaires ?

Pour nous différencier, nous essayons d’inviter de vrais musiciens au studio. Nous avons d’excellents interprètes et musiciens, nous pouvons même faire de la house music avec un vrai guitariste de jazz, au lieu d’utiliser des samples.

Le défi principal pour le label, c’est que de nombreux artistes arrivent en pensant que leur chanson est catchy et donc que toucan sounds voudra absolument la sortir. Seulement leur musique ressemble à des milliers d’autres. Il faut changer de paradigme et se poser une question différente : pourquoi cette musique est-elle importante ? Il s’agit de désapprendre ce que tant d’artistes ont appris au fil des ans.

Au cours de la dernière décennie, nous avons vu des artistes qui n’avaient pas beaucoup de fans atteindre soudainement des millions de streams. La différence, c’est qu’ils ont trouvé quelque chose de spécial et qu’ils ont réussi à l’exprimer dans leur musique. C’est la raison pour laquelle les gens s’enthousiasment pour la musique et la partagent avec leurs amis ! C’est aussi simple que cela : peu importe que la musique soit entraînante ou non, c’est finalement quelque chose de beaucoup plus profond.

Pourquoi pensez-vous que l'indépendance est une force ?

L’indépendance c’est ce qui nous permet de prendre ces décisions concernant l’avenir du studio. Si nous étions une filiale d’un grand label, il y aurait des attentes en matière de ventes. Mais courir après le prochain trimestre nous empêche de créer des œuvres culturellement pertinentes. Par exemple, nous ne pourrions pas payer de vrais musiciens, car les samples sont moins chers.

L’indépendance fait tout, en fait. Prenez Francis Ford Coppola, avec Apocalypse Now. Ce film a pu être réalisé grâce au succès commercial de la saga Le Parrain. Coppola a investi cet argent dans sa propre société de cinéma indépendante pour créer Apocalypse Now, et le résultat est l’un des plus grands films de tous les temps. Et si cela a été possible, c’est uniquement grâce à son indépendance : il n’y avait aucun studio de cinéma pour lui faire des remarques sur le scénario ou le budget.

Ce n’est pas comme si nous allions réaliser le prochain Citizen Kane : cela ne s’est pas encore fait et cela ne se produira peut-être jamais, mais au moins nous essayons. Nous essayons de créer un environnement où quelque chose de cet acabit pourrait arriver.

Je veux dire… de combien de films de super-héros avons-nous encore besoin ? Ils sont vraiment amusants, mais ils se ressemblent tous un peu.

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