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04.04.23

Label Focus : Hyperdub

Label indépendant majeur du dubstep, lui-même nouveau style musical le plus novateur du XXIe siècle, Hyperdub a construit un catalogue fascinant avec Burial et son boss Kode9 comme artistes phares.

Avec son livre Rip It Up and Start Again paru en 2005, le rock-critic anglais Simon Reynolds avait tout compris au nouveau paysage qui se construisait. Le 21e siècle n’allait plus être que recyclage malin de tous les genres apparus durant les cinquante années de pop-music, qu’on parle de rock, d’électro, de pop mainstream ou de musiques urbaines. Sans que cela nuise à la créativité, la production moderne serait une succession de répliques des secousses passées, de la nu-rave au retour du rock en passant par la deep house, le punk ou la synth-pop. Reynolds avait amplement raison, ce que je n’ai pas manqué de lui exprimer la fois où nous nous sommes croisés. A une exception près : le dubstep, l’un des rares nouveaux styles majeurs nés ces dernières décennies, dont Hyperdub reste le label de référence.

Demi-exception pour certains car comme son nom l’indique, tel un fantôme sorti de l’underground londonien, le dubstep emprunte ses basses généreuses au dub électronique tout en prolongeant d’autres styles typiquement britanniques comme le 2-step des années 90, le grime, le ragga et la drum’n’bass dont il reprend parfois les beats syncopés.

Pour qui découvre pour la première fois Burial, producteur le plus important du genre et tête de pont d’Hyperdub, il apparaît évident que malgré une filiation évidente avec le dub, la techno minimale, voire même le trip-hop ou la cold-wave, le dubstep ouvre ici un chapitre fondamental de l’histoire de la musique. Auteur de seulement deux albums mais d’une flopée de maxis, Burial a construit, à travers son chef d’œuvre Untrue de 2007, une sorte de barrière infranchissable dans l’absence de compromis d’une musique toujours humaine et accessible, à tel point que je ne vois pas de concurrent pour lui ravir le titre honorifique de monument électronique du siècle nouveau. Dans cet album, j’entends à la fois l’écho de voix d’outre-tombe, prisonnières de leur insularité britannique, la noirceur du Mezzanine de Massive Attack, l’engagement politique du Clash de Sandinista!, et la redoutable efficacité par l’économie de moyens de Moritz Von Oswald. Par son succès, Burial a contribué à l’aura d’Hyperdub qui l’héberge depuis ses débuts, maison indépendante fondée en 2004 par Steve Goodman, lui-même producteur sous le nom de Kode9.

Comme pour démontrer que le dubstep ne se limite pas à un héritage de courants musicaux, Hyperdub affiche un catalogue aussi riche que varié, qui embrasse toutes les variations des musiques électroniques, de l’ambient à l’expérimental en passant par l’électro-rap ou les percussions industrielles. Ouvert au monde et à ses frémissements comme pour éviter le cul-de-sac potentiel du dubstep, Hyperdub a aussi accueilli le passionnant producteur de Chicago DJ Rashad, pionnier du footwork disparu en 2014, ainsi que ses plus prometteurs descendants comme DJ Hank ou Heavee. Enfin, le label a su accorder une place de choix aux productrices, leur offrant un cadre dans lequel prendre confiance et s’épanouir en toute liberté, telles Ikonika, Laurel Halo, Fatima Al Qadiri, Loraine James, Fiyahdred et Lady Lykez.

Voyager dans le son Hyperdub n’est donc pas une aventure en terres inconnues puisqu’à chaque expérimentation correspond généralement un son familier auquel se rattacher. Son importance n’est pas tant dans une révolution de la production que dans la force mentale de ses créations et une hybridation des genres poussée à l’extrême. Un label dont le logo et la marque restent gages de qualité, ce n’est plus si fréquent.

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