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15.10.24

Job of the month #18 : Distributeur physique

Nouvel épisode de notre série Job of the Month pour découvrir les multiples facettes de l’industrie de la musique. Ce mois-ci, Gregory Pezard, fondateur de Bigwax, nous parle de distribution physique.

Chaque mois, IDOL présente un métier de l’industrie de la musique. Ou plus qu’un métier, une personne ! Car derrière un même intitulé de poste, on retrouve des différences significatives d’une structure à une autre. Chacun peut définir, selon son parcours professionnel, ses qualités et compétences le périmètre de son poste! Rencontre avec Gregory Pezard, qui nous raconte l’évolution et surtout l’avenir de la distribution physique.

Tout d'abord, peux-tu expliquer ce que fait Bigwax ?

Bigwax est un service de distribution indépendant spécialisé dans le support physique en France et à l’international, à l’import comme à l’export. Je suis le gérant de Kairos Club, qui englobe Bigwax Distribution, Squeezer, Lelp et plus récemment Kub Systems. Toutes ces entités tournent autour de la fabrication de vinyles, de la distribution, des services direct-to-fan et du conseil… Mon quotidien est d’aligner une vision stratégique et opérationnelle au sein du groupe en coordonnant les ressources et les transversalités entre soeurs.

Notre réseau est à la fois B2B avec des clients tels que des disquaires indépendants, des chainstores, des disquaires en ligne, des médiathèques, des sous distributeurs étrangers mais nous avons aussi une offre B2C à travers notre site bigwax.io qui se positionne à la fois comme une plateforme direct-to-fan et un disquaire en ligne. Ou encore via des sites artistes et/ou labels en marque blanche utilisant notre tunnel d’achat et notre logistique.

Quel a été ton parcours professionnel ?

J’ai démarré en 2004 chez le distributeur Topplers, alors principal exportateur de la French Touch 1.0. J’y ai entre autre porté un projet de plateforme de téléchargement légal, développé le pôle de distribution digital et construit une offre e-commerce custom, ce qui nous a permis de gérer par exemple les shops officiels de Daft Punk, Kitsuné ou encore Deeply Rooted House – ce qu’on appelle aujourd’hui le D2C (Direct-to-Customer).

En 2010, je crée une structure d’édition et de management (Les Editions Limitées Paris / LELP) et à ce moment-là un certain Pascal Bittard me propose un partenariat sous forme de label management externalisé pour signer des projets plutôt one shot. Pourquoi ? Pour mon réseau issu des labels de musiques électroniques d’une part mais surtout parce que les projets one shot n’ont jamais été dans l’ADN d’IDOL qui s’est toujours inscrit dans un travail de développement et d’accompagnement des labels sur le long tout en se positionnant sur des esthétiques musicales de qualité.

En 2011, je crée la société Squeezer pour offrir une solution de pressage en m’appuyant sur le savoir-faire de l’usine allemande Optimal Media et devenir une sorte de bureau français indépendant. Depuis 2022 nous travaillons sur le développement d’applications métiers en SaaS via une nouvelle structure du groupe qui s’appelle Kub Systems.

Avec Kub Systems, on est en train de développer une vision d’avenir de nos métiers. Nous avons créé un outil de planification pour gérer la fabrication de vinyle, et nous travaillons en ce moment sur des outils d’analyse de ventes cross canaux et sur la qualification des super-fans.

Dès 2015, on avait initié de la distribution en ligne sous forme de pages d’achat, une sorte de prémisse du D2C sous le nom de bigwax.fr. Ce nom découle de nos offres de pressages Squeezer pour lesquelles nous proposions la fabrication de ‘Miniwax’ (7 pouces), Mowax (10 pouces) et bien sûr ‘Bigwax’ (12 pouces). En 2018, j’ai eu l’opportunité de racheter La Baleine, une boîte de distribution créée en 2000. Et comme leur activité nous paraissait comme une continuité de ce qu’on faisait sur ce site, on a rebaptisé l’entreprise Bigwax Distribution.

Pourquoi as-tu choisi de monter ton entreprise ?

Petit, mon envie était de gérer un magasin de sport, puis à l’âge de 12 ou 13 ans, j’ai commencé à mettre les mains dans les moteurs à 2 temps pour construire moi-même un moyen de me déplacer. Je crois que j’ai toujours eu cette envie d’entreprendre et d’être libre dans un contexte familial parfois difficile.

Je fonctionne beaucoup à l’intuition, même si j’ai développé des services, j’ai eu la chance de saisir des opportunités qui s’offraient à moi. Je n’ai jamais été adepte des business plan et mon management est je pense assez atypique. A la lecture de Rework, je me suis plutôt retrouvé dans l’approche entrepreneuriale de Jason Fried, fondateur de l’outil de gestion de projet basecamp. Il expose beaucoup de concepts, qui sortent des codes du business. Par exemple, lors d’un brainstorming, il prend le crayon le plus gros possible, parce qu’il faut commencer par des grandes idées, et éviter de se perdre dès le début dans les détails. C’est qu’un exemple parmi tant d’autres, mais je me suis reconnu dans sa manière de gérer son entreprise.

Quelles sont les qualités requises pour ton poste ?

Pour avancer et atteindre ses objectifs il faut être curieux, patient, prendre des risques et savoir bien s’entourer. J’ai toujours eu la chance d’avoir des équipes formidables à mes côtés; celles qui donnent un sens à ma vie professionnelle et qui me donnent envie de partager, d’accompagner et d’aller encore plus loin dans mes idées.

Qu'est-ce que tu aimes dans ton travail ?

Le vinyle, c’est un support auquel je suis très attaché. J’aime toujours autant fabriquer un disque, le toucher, l’écouter, le distribuer, et c’est ça qui me fait qui me fait lever le matin. J’aime réfléchir à comment optimiser ce métier, comment ramener de la technologie dans les rouages d’un monde physique que je souhaite éternel.

Parce qu’au final la distribution physique, c’est de la logistique. Il faut savoir s’extraire de cette logistique. Donc on a développé notre outil en interne, pour être le plus transparent possible, vis-à-vis de nos fournisseurs et de nos labels. A base de connexions API et de Webhooks, nous sommes en train de construire un outil de reporting et d’analyses qui va vraiment permettre d’aller dans le détail, de suivre les magasins livrés partout dans le monde, de calculer et harmoniser le label share pour chaque canal de vente en fonction des contrats avec nos fournisseurs.

Nos interlocuteurs sont quasiment les mêmes depuis 20 ans, ce qui fait que les codes n’ont pas beaucoup évolué. Mais pour nous la distribution c’est aussi bien vendre un disque sur Spotify grâce à la dernière fonctionnalité proposée, que de chez des disquaires. D’ailleurs je pense qu’on est un des seuls distributeurs à proposer autant d’options : le D2C, YouTube, Spotify, Bandcamp et bientôt Discogs… Je suis curieux donc tout ce qu’on pourra développer, on le fera.

La consommation de vinyle a énormément évolué. Au tout début du streaming, je me souviens qu’il fallait presser des disques avec des inédits pour se laisser une petite chance d’en vendre. Maintenant, on vend des vinyles via Spotify, donc les frontières entre digital et physique sont en train de disparaître.

Il y a pas mal de perspectives, car le disque et le merch ont ramené cette dimension édition limitée qui rapproche de l’artiste, et donc cette dimension de superfans, qu’il faut bien cibler.

Quel est ton lien avec IDOL ?

Ma relation avec IDOL dure depuis longtemps et s’est transformée au fil des années. Pendant environ 8 ans, IDOL ne m’a jamais imposé quoi que ce soit et m’a même accompagné dans mes propres signatures. Cette liberté aura permis de signer de beaux projets tels que C2C, Fauve, Roche musique ou encore Feu! Chatterton. Venant de la distribution physique, j’y vois une occasion de proposer une distribution élargie, et propose alors aux labels une solution de distribution nationale que je mets en place avec le distributeur La Baleine.

Aujourd’hui ma relation avec IDOL implique plus d’interlocuteurs. Les sujets se concentrent principalement sur le pressage et la stratégie D2C. Nous avons beaucoup de labels en commun; IDOL comme spécialiste du digital et Bigwax comme spécialiste du physique. C’est une configuration idéale pour les labels car nous nous connaissons très bien et cela permet de leur offrir un service plutôt premium. Cette relation est saine ; nous l’apprécions beaucoup professionnellement et surtout humainement.

Le lien est fort, on se dit les choses, ce qui n’est pas forcément possible avec tous les partenaires. Ça montre une bienveillance, une intelligence collective et professionnelle chez IDOL comme chez Bigwax.

Quelle est la tâche la plus étrange que tu as pu faire au cours de ta carrière ?

Il y en a eu plusieurs… mais ce qui me vient en tête c’est par exemple de signer un contrat de distrib dans les toilettes d’un club, être contraint par mon boss de lui acheter exactement 100 grammes de raisin tous les jours sur ma pause déjeuner pendant des semaines, percer avec un foret, 500 pastilles en mousse au diamètre de l’axe d’une platine vinyle pour la carte de voeux de Young & Rubicam.

La playlist de Grégory

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